UNE AUTRE VIE

 

résumé

En 2024, dans un pays où la peine de mort est pratiquée pour les petits délits, Eva Maes, actrice, nous partage sa théorie : elle est persuadée d’avoir été Christiane Felscherinow ou sa meilleure amie Babsi dans une vie antérieure. Alors qu’elle s’apprête à mourir, elle rencontre ces deux jeunes adolescentes qui la fascinent, héroïnomanes et prostituées. Les jeunes femmes partagent leur vision du monde, leur rage de vivre, leur peur de la mort, ainsi que leur relation à David Bowie.

équipe

texte & mise en scène Myrthe Vermeulen

avec Élise de Gaudemaris, Myrthe Vermeulen 

collaboration artistique Maïa Godin Hadji-Lazaro 

voix enregistrée Jeanne Fuchs 

création sonore David Percy 

production Compagnie Les Pleureuses 

durée 1h

note d'intention

2024, Eva Maes, une actrice, est persuadée d'avoir été quelqu'un d'autre dans une autre vie, et pas n'importe qui. Dans son autre vie elle était Christiane Felscherinow, l'héroïnomane allemande la plus connue d'Europe. Ou alors sa copine, Babsi. Une fascination qui va mener deux vies parallèles - voire trois - à une rencontre, seulement rendue possible par le biais du théâtre.


Eva, c'est d'abord moi. J'ai lu Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée... à l'adolescence et cette lecture ne m'a jamais quittée. Le livre, je l'ai souvent qualifié comme mon « préféré ». J'ai eu une attirance très forte pour son histoire qui m'a à la fois glacé le sang et réchauffé le coeur. Cette fascination m'a questionnée alors j'ai décidé d'en faire quelque chose.


À travers mes souvenirs de l'autobiographie de Christiane Felscherinow, j'ai convoqué ma peur de la mort. J'ai essayé de mieux comprendre la génération de Christiane qui a trouvé refuge dans la drogue pour gérer au mieux le monde dans lequel ces jeunes vivaient. La question de la mort était alors très prégnante après les grandes guerres qui ont ébranlé le XXe siècle, catastrophes sans précédent qui ont marqué par leur degré de violence et de déshumanisation. Christiane fait partie de la génération d'après, celle qui hérite de la catastrophe et du silence des souvenirs. Aujourd'hui, nous sommes la génération d'après, projetée dans un monde post-moderne et faisant face aux conséquences de l'inconscience écologique de nos parents et nos grands-parents. La montée des extrêmes, la crise climatique et la flambée de conflits identitaires, expansionnistes, génocidaires, semblent dessiner un horizon de bouleversements sans précédent. Cette position intermédiaire, de dépositaire et de sentinelle, provoque une inquiétude généralisée, à la fois politique, écologique et parfois aussi plus existentielle, entretenant un rapport à la mort et à l'avenir tout à fait particulier et non sans lien avec la génération de Christiane. Cette génération berlinoise désillusionnée des années 70, vivant dans une ville divisée et un monde polarisé devait elle aussi s'interroger sur le monde de demain, si un demain est possible.

Mais c'est aussi un spectacle sur l'innocence de l'enfance, sur la quête identitaire de l’adolescent fasciné par les icônes, en l'occurence David Bowie pour Christiane et Christiane elle-même pour Eva. Mon envie de faire «quelque chose » est devenu un spectacle car je considère le théâtre comme ma drogue à moi: un moyen de gérer au mieux le monde dans lequel je vis. 

En avançant dans le création au Théâtre des Amandiers, j'ai décidé qu'Eva n'était plus moi mais une autre actrice, en l'occurence Élise de Gaudemaris. Parce qu'Elise, c'est aussi un peu moi. C'est-à-dire qu'on nous confond beaucoup dans la vie de tous les jours alors j'ai voulu jouer avec l'idée du dédoublement de soi. Et petit à petit, je suis devenue Christiane pour qu'Eva et Christiane puissent se rencontrer. Puis les destins se mêlent, les rôles s'intervertissent, on ne sait plus qui est qui. Simplement pour le plaisir de jouer mais aussi pour souligner l'idée des vies parallèles.


Je tenais absolument à convoquer Babsi seulement par la voix car contrairement à Eva et Christiane, elle n'est plus là. C'est un personnage énigmatique sur qui on sait peu de choses et pourtant son prénom revient souvent dans la pièce. Pour moi, elle incarne toutes ces personnes parties trop tôt qui n'ont pas eu le temps de se rencontrer et se raconter elles-mêmes. Grâce au théâtre, je peux convoquer les morts et leur permettre d'entamer une nouvelle vie, une autre vie.


Myrthe Vermeulen

 

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